Dès le samedi 8 avril 2023, le Puy du Fou proposera un nouveau grand spectacle à ses visiteurs : Le Mime et l’Etoile. Avant la Grande Première d’ici un mois, partons dans les coulisses de cette nouveauté à plus de 20 millions d’euros !

Dans cette nouvelle création, le Puy du Fou rend hommage à la Belle Epoque, parenthèse enchantée de l’Histoire française dans l’imaginaire collectif, une période de rêve, de bonheur et d’insouciance. La Belle Epoque, c’est le début du XXème siècle. En ce temps-là, tout n’était qu’effervescence et découverte : c’était le temps d’Albert EINSTEIN et de Jules VERNE, des premières automobiles côtoyant les majestueux omnibus tirés par de lourds chevaux de trait, de la Tour Eiffel offerte à Paris comme un symbole de modernité. La bicyclette s’appelait encore « vélocipède », et les inventions cinématographiques des Frères LUMIERE avaient un nom bien pédant qui faisait sourire le profane. On voyageait en train ou en ballon, on rêvait de voler avec Louis BLERIOT. C’était le temps des Expositions Universelles, ces fêtes extravagantes et fabuleuses, où l’on construisait des palais éphémères pour « la fée électricité », où l’on rêvait en grand un avenir où tout serait enfin possible, où l’on irait toutes voiles dehors vers le bonheur. C’était aussi la grande époque des magiciens et des illusionnistes. Robert HOUDIN venait tout juste d’éteindre ses quinquets, Georges MELIES allait bientôt déployer ses talents de prestidigitateur, avec une joie d’enfant communicative. C’était l’âge d’or du cirque tzigane et des ballets russes, des acrobates, des mimes et des étoiles, du kaléidoscope et de la lanterne magique… On allait pour la première fois au cinéma, pour cinquante centimes, sous la tente du préveil ou dans des salles qui étaient décorées comme des manèges de chevaux de bois, au Salon Indien, au Café de la Paix ou au Passage de l’Opéra. Qui se serait douté qu’en l’espace d’une guerre, ce monde allait disparaître ?

© Puy du Fou

A travers Le Mime et l’Etoile, le Puy du Fou célèbre aussi le cinéma et les débuts du septième art. Les premiers réalisateurs étaient des explorateurs, qui faisaient tous les métiers du monde et recouraient sans cesse à la débrouillardise, parce qu’on n’avait rien d’autre sous la main. Par exemple, un muid de bière ou un cercueil servaient de chambre noire. Le cinéma des premiers temps, ingénu ou comique (souvent les deux à la fois), avait des airs de cirque et de fête foraine. C’est dans les foires que Charles PATHE faisait ses premières expériences, et c’est dans le Journal des Forains qu’il publiait les annonces de ses films. Ce cinéma-là était l’art de la lanterne magique qui embrassait tous les goûts populaires. Ce qui faisait sa fraîcheur et sa saveur si particulière devait aussi mener le cinéma dans une impasse : les productions devenaient répétitives, lourdes du même comique déjà vu cent fois, des mêmes scènes sentimentales sans relief. Si bien que, selon les critiques, le cinéma était mort, il était allé au bout de ses possibilités, il n’évoluait plus. Alors arriva une nouvelle génération d’auteurs et de gens de lettres, de personnalités qui eurent l’ambition de faire du cinéma un art, au sens noble du terme. Ce furent d’abord les films scientifiques, documentaires, religieux ou d’actualités. Puis en 1908, le premier film de l’Académie française. C’était une floraison soudaine de prétentions artistiques, d’adaptations historiques et littéraires. Seul MELIES, jusqu’à la guerre, demeurait l’heureux prisonnier de son enfance. Les grands progrès du cinéma sont alors artistiques et techniques : l’évolution du jeu d’acteurs d’abord, grâce aux mimes comme Georges WAGUE, Séverin-Mars ou Paul FRANCK, qui apportent à l’écran leur incroyable maîtrise d’un art très ancien, grâce à de grandes vedettes comme Buster KEATON ou Max LINDER, inspirateurs de Charlie CHAPLIN, et véritables créateurs du style comique à l’écran. L’évolution de la technique ensuite, par l’invention du cinéma parlant : les recherches de Léon GAUMONT (1900) ou d’Edouard LAUSTE (1907-1910) permettent les premières expériences de cinéma sonorisé, inventions reprises après guerre par les frères WARNER, outre-Atlantique (notamment dans Le Chanteur de Jazz en 1927). L’invention du cinéma en couleur enfin, grâce aux Anglais TURNER, SMITH et URBAN, et surtout grâce aux innovations d’Herbert KALMUS, qui fonde en 1914 la Technicolor Motion Picture Corporation, et met au point en 1928 une technique trichrome qui permet enfin de reproduire toutes les couleurs au cinéma. C’est toute cette histoire, de 1895 à 1935, que raconte Le Mime et l’Etoile, d’un seul élan et sous la forme d’une fable amoureuse.

© Puy du Fou

Le synopsis nous emmène en 1914. Dans le studio où nous pénétrons, encombré de caisses de rangement, d’éléments de décors et de matériel cinématographique, se prépare un tournage singulier. Le réalisateur Gérard BIDEAU s’affaire à la préparation de son tournage et livre ses dernières consignes. Il ne vient pas tourner un film mais réaliser un rêve : offrir au cinéma muet et noir et blanc, une couleur et un son. Le metteur en scène est en effet convaincu que si deux êtres s’aiment d’un amour sincère et réciproque devant l’œilleton de sa caméra, alors le cinéma pourra devenir parlant et coloré. L’actrice est une étoile au prénom de braise, Garance, qui porte en elle les aspirations d’une femme de la Belle Époque toute prête à saisir son destin. Le mime qui partage l’affiche avec elle est un Tzigane. Son costume jaune de cirque lui vaut son nom de scène : Mimoza. Le jeune Tzigane rêveur promène avec son cirque les restes de son enfance, c’est un vagabond qui trimbale son art de villages en villages. Le réalisateur organise la rencontre entre ses personnages que tout oppose, exhortant le mime à conquérir le cœur de l’étoile. Mimoza maîtrise les arts du cirque et de l’illusion, mais par-delà son talent, puise dans ses rêves d’enfance mille tours pour impressionner celle qui a déjà gagné son cœur. Au cinéma, tout est permis, y compris les fantaisies les plus extravagantes. Ce film dans lequel il s’apprête à tourner lui offre de tenter toutes sortes d’illusions et de prodiges pour impressionner la belle et l’emmener dans ses rêves d’enfant. Mais bientôt le tournage est interrompu par un événement dramatique qui bouleverse la vie de Mimoza, bouscule les sentiments naissants de Garance et anéantit tous les espoirs du réalisateur…

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Ce nouveau spectacle prend place dans le Studio de Gérard BIDEAU, d’une superficie de 3805 m² et d’une hauteur de 16 mètres. En plein cœur du Puy du Fou, à deux pas du Bourg Bérard, une nouvelle construction Belle Epoque de poutres métalliques et de briques patinées par les années, est sortie de terre cet hiver. Le poids de la charpente fait tout de même 380 tonnes ! Comme d’habitude au Puy du Fou, le théâtre du Mime et l’Etoile a été conçu et construit spécialement pour ce spectacle, afin de répondre aux besoins artistiques de la mise en scène. Ce ne sont pas les machineries, les décors et la scène qui s’adaptent aux contraintes d’espace induites par le théâtre, mais bien l’inverse : les plans du bâtiment sont établis sur mesure pour correspondre précisément aux exigences du récit et de l’émotion. Ainsi le spectateur du Mime et l’Etoile pénètre dans un studio de tournage du XXème siècle naissant. Un plateau de cinéma était alors un monde à part, où les hiérarchies ordinaires étaient bouleversées pour servir l’œuvre en création. Le cinéma était désespérément muet, et les grandes vedettes de théâtre qui n’existaient que par le verbe haut et clair, ne valaient rien devant une caméra. On leur préférait les mimes pour leur incroyable expressivité, voire les simples ouvriers, pour le naturel et la spontanéité du jeu. Dans les premiers films de Léon GAUMONT, à côté de la vedette Alice GUY, les deux jeunes premiers étaient un mécanicien des ateliers et un apprenti de l’usine. Les machinistes, les électriciens, les menuisiers qui travaillaient au studio se transformaient souvent en acteurs, le temps d’un tournage, aux côtés du réalisateur. Georges MELIES lui-même joua dans tous ses films. Du haut en bas de l’échelle, on se prêtait au jeu. La grande verrière qui constitue la façade du bâtiment abritant Le Mime et l’Etoile rappelle la serre de MELIES, qui aimait tourner dans ce décor vitré afin de capter les lumières vives du jour ou le rayon froid de la lune. Le lieu est habité, on le sent d’emblée, par les nombreux tournages qui ont installé ici leur plateau. Les affiches de films au mur, les toiles suspendues, les vieux costumes, les fausses barbes et les perruques en bataille, les bobines et les pots de peinture sont la trace des tournages illustres qui précédèrent celui que nous nous apprêtons à découvrir. Les 2000 spectateurs s’installent sur un amoncellement de caisses de bois ou sur les pliants qui traînent auprès du plateau, car aujourd’hui, le réalisateur a donné instruction : à titre tout à fait exceptionnel, le public va pouvoir assister au tournage de son film. Nous voilà donc, aux premières loges, les témoins privilégiés d’un prodige à venir : la naissance d’une œuvre cinématographique. Silence… ça tourne !

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Dans l’histoire du Mime et l’Etoile, le personnage du réalisateur aimerait rendre le cinéma parlant et coloré. Un défi impossible pour l’époque qui ne maîtrise pas encore la technologie nécessaire à l’accomplissement de ce prodige. Voilà pourtant l’objectif des équipes créatives du Puy du Fou au moment de donner naissance à ce nouveau spectacle : restituer, en direct devant le public, l’esthétique exacte d’un film d’époque en noir et blanc, sans filtre, sans artifice entre l’œil et la scène, avec de vrais personnages dans de vrais décors. Dans un film Belle Epoque, le noir et le blanc n’existent pas plus que la couleur. Tout n’est en fait que grisaille, car rien n’est tout à fait noir ni blanc. Or pour offrir au spectateur l’illusion parfaite du noir et blanc sans l’entremise de la caméra, il a fallu concevoir et fabriquer spécialement les décors, les accessoires et les éléments mobiles apparaissant sur la scène, tout comme les centaines de costumes, dans la seule palette des variations de gris. Le maquillage, la couleur des cheveux ou même des mains, tout est cendré pour correspondre absolument à ce que notre imaginaire conserve du noir et blanc. La lumière, conçue sur mesure, est une alliée précieuse qui met en avant les contrastes, les renforce ou les atténue, selon l’humeur et l’émotion recherchée. Pendant plus d’un an, le Puy du Fou a réalisé des centaines de tests, au plus près des conditions réelles du spectacle, pour trouver le juste dosage de lumière et de contrastes. Car sur une scène entièrement soumise au noir et blanc, le moindre défaut de couleur attire le regard. Quand au début du XXème siècle, la couleur était impossible sur un écran, au début du siècle suivant, le retour au noir et blanc sur une scène est un défi redoutable. Le Mime et l’Etoile relève le pari !

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Pour Le Mime et l’Etoile, le Puy du Fou a relevé un autre défi. Figurez-vous une caméra posée sur un chariot qui traverse en roulant toute une rue dans sa longueur, c’est ce qu’on appelle un travelling. Ce nouveau spectacle a été conçu comme un travelling : dans le film réalisé par le personnage de Gérard BIDEAU, l’action se déroule à la façon d’un travelling, c’est-à-dire d’un voyage. Seulement voilà, contrairement à la caméra qui peut rouler indéfiniment sur des centaines de mètres, la tribune, elle, ne peut souffrir un tel déplacement. L’œil du spectateur dans la tribune est pourtant la caméra du spectacle. Alors comment donner au spectateur le sentiment réaliste qu’il se déplace, tel une caméra sur son rail de travelling ? Le Mime et l’Etoile emprunte la seule voie possible : si le spectateur ne peut se déplacer, c’est au décor de se mouvoir, et ce sur des centaines de mètres. Ce n’est plus la caméra qui avance dans la rue, mais la rue qui défile devant la caméra. C’est ici l’une des prouesses majeures réalisée pour la mise en scène de ce nouveau spectacle : devant l’optique de la caméra du réalisateur, tout se met en mouvement, créant la confusion chez le spectateur : est-ce la tribune qui se déplace ? Ou bien la scène qui se meut ? Les façades de maisons et les devantures de magasins (quincaillerie, bijoutier et crèmerie, herboriste, rempailleur de chaises, luthier et bien d’autres encore), tout défile en décor réel devant la tribune. Ainsi les personnages du spectacle parcourent près de deux kilomètres de rue, grâce aux 140 tonnes de décors culminant sur plusieurs étages, à 10 mètres de hauteur. Les 120 personnages en mouvement embarquent dans ce travelling géant, grâce à une autre prouesse technologique leur permettant de marcher, et même courir, sur des centaines de mètres sans pourtant se déplacer. Cette illusion est rendue possible grâce aux tapis roulants qui épousent harmonieusement le mouvement de la rue. Sur ce sol mobile défilent toutes sortes d’individus, mais aussi des voitures, des réverbères et des colonnes Morris, des arbres et des étals, un camion laitier ou une ambulance, etc. Sans jamais quitter son siège, le spectateur est ainsi invité au voyage, loin, très loin, dans le sillage audacieux de Garance et de Mimoza.

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La musique du Mime et l’Etoile, composée par Nathan STORNETTA, est un personnage à part entière. A l’inverse des autres spectacles du Puy du Fou, qui se situent à des époques plus lointaines et demandent une musique orchestrale épique cinématographique, il a tenté de développer ici un petit monde musical avec beaucoup de caractère, des défauts parfois même, afin d’en faire une musique vivante et généreusement expressive, rendant hommage aux prémices de la chanson française tout comme à l’influence « gipsy » et au côté sophistiqué et dansant du jazz.

© Puy du Fou

Sur le papier, Le Mime et l’Etoile semble être un nouveau spectacle prometteur. Je suis pour ma part très enthousiaste quant aux thématiques retenues, et je serai ravi de découvrir prochainement cette nouvelle création du Puy du Fou.